Monétarisation des biens et services environnementaux : l’ACV, questions et enjeux autour de sa monétarisation
Ce séminaire, organisé par le CGDD est le sixième réalisé sur cette thématique. Cette année, en raison de l’intérêt croissant apportée à l’ACV, notamment dans le domaine du bâtiment, une session était d’ailleurs réservée au référentiel Energie Carbone. Les acteurs sectoriels, les acteurs de l’ACV et de l’économie se sont donc rejoints lors de cette journée, dont les points clefs sont présentés ci-dessous, grâce à la participation de Solinnen.
Pourquoi l’intérêt pour la monétarisation est-il croissant ?
En premier lieu, la monétarisation s’intègre dans une approche de développement durable qui relie l’économie, l’environnement et la société. D’autres réponses, toutes aussi importantes, sont que la monétarisation permet une évaluation des coûts et des bénéfices liés à l’environnement, et permet un développement des politiques publiques pérennes dans un contexte environnemental de plus en plus important. Enfin, la monétarisation peut être un outil d’évaluation d’une transition viable vers une économie circulaire puisque qu’elle rassemble une évaluation environnementale (évitant les transferts de pollution) et une évaluation économique (estimant ce qui est supportable, et quels sont les acteurs qui supportent ces coûts).
La journée
La journée a commencé par une présentation du paysage normatif. En effet, l’élaboration d’une norme sur la monétarisation, ISO 14008, est en cours. Jeanne Serre, représentant la France sur ce sujet à l’ISO TC 207, a dressé le portrait de l’élaboration de cette norme, dans la ligne de sa présentation lors de la journée de SCORELCA de mars dernier.
Lors de la première table ronde, les efforts à fournir pour améliorer la compatibilité entre l’ACV et l’économie ont été identifiés. Notamment, les représentativités temporelle et géographique des deux pratiques ne sont pas les mêmes, ou ne sont pas bien prises en compte dans les évaluations.
Pour la représentativité temporelle, en économie, la solution semble de décrire temporellement et explicitement les impacts à court terme, et de prendre en compte un taux d’actualisation pour juger d’un effet à plus long terme. Ce taux influence souvent les résultats et les interprétations. En ACV, la temporalité est traitée de différentes manières. Tout d’abord, elle est abordée dans le périmètre de l’étude, puis dans l’utilisation d’ICV, et enfin dans l’ACVI pour lesquelles des méthodes à horizon de temps différenciés existent. Certaines études d’ACV cherchent à utiliser un taux d’actualisation dans une approche d’ACV plus « dynamique », ce qui se rapproche de l’approche économique.
En ce qui concerne la représentative géographique, en analyse coûts-bénéfices, il est légitime de prendre les impacts à l’intérieur du périmètre d’étude, et de négliger ceux qui se trouvent à l’extérieur. En ACV, il est légitime d’évaluer ce qui se passe à l’intérieur du périmètre. Des analyses complémentaires sont menées pour évaluer ce qui se situe aux frontières du système, permettant ainsi d’éviter les transferts de pollution. Dans ce cas, l’analyse économique devrait s’inspirer de l’approche utilisée en ACV.
Le recours à la monétarisation peut faciliter la communication des résultats des ACV, et d’études environnementales complémentaires. Néanmoins, des questions d’éthique sont soulevées par les approches de monétarisation, et de nombreux acteurs s’y opposent pour cela. De fait, l’utilisation d’une approche de monétarisation doit être réalisée dans le plus grand respect de la transparence des données utilisées, et contient de nombreuses limitations. De plus, on peut espérer que des revues critiques des études utilisant la monétarisation soient réalisées systématiquement, afin de s’assurer que les jugements de valeurs sont présentés de façon transparente et compréhensible.
Par exemple, la suppression de l’usage du cashmere au regard du fort impact environnemental de cette matière première a été présentée sous forme monétaire. Cette présentation a entrainé la question suivante : quels seraient les impacts sociaux engendrés par la suppression de cette filière ?
La fiscalité et l’intégration de la monétarisation dans les politiques publiques fut aussi au cœur des débats de la journée. Relier coûts et environnement reste parfois difficile. L’instauration d’une « TVA circulaire » est l’un des moyens évoqué pour « internaliser les externalités », dans une économie favorisant la soutenabilité. Cette TVA est d’ailleurs envisagée depuis de nombreuses années !
Conclusions
Ce séminaire fut donc riche en échanges, en questionnements, et en apprentissages. Pour clôturer ce séminaire, organisé par le CGDD, et rassemblant les acteurs de l’économie et de l’ACV, la question que Solinnen a soulevé fut : et si demain la monétarisation était une approche utilisée régulièrement, les acteurs qui l’utilisent souhaiteraient-ils que la méthode reconnue soit d’application volontaire ou imposée par l’Etat, par exemple en devenant règlementaire comme le propose aujourd’hui le référentiel Energie Carbone dans le secteur du bâtiment ? Cette question reste bien entendu ouverte à toute réponse !
Pour Solinnen, la monétarisation, comme l’ACV, doit s’appuyer sur la diversité des approches sectorielles. Cette méthode pourrait donc se baser sur l’élaboration de PCR, dans le but de fixer des règles harmonisées et communes, appliquées de façon homogène par chaque secteur.
Cécile
22 novembre 2017 at 16:04La parution des actes de ce séminaire dans la collection Théma – Balises du Commissariat Général au Développement Durable. Ces actes sont disponibles ici : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/collection-thema